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Au Bunker de la dernière Rafale
13 mai 2009

L'ombre où la Lumière. Troisième partie.

Vous avez peut-être déjà rêvé d'un livre fabuleux, d'un poème prodigieux, d'une musique inouïe : cochez l'hyperbole de votre choix. Au réveil c'est le déchirement d'avoir perdu ce qu'on avait de précieux et qu'on avait sous les doigt. Silence, cendres, absences.

J'ai déjà fait des rêves ou j'écrivais furieusement : je me réveillais avec l'absence même d'une page blanche.

Ce qu'on pensait avoir toujours, on ne l'a eu jamais.

Cette fois, c'était diablement différent.

Du moment où j'ai compris que tout ce concert n'était qu'une improvisation hors du commun, tout a changé : je voyais bien qu'autour de moi les gens pensaient  plus tard acheter la partition, le disque et posséder l'oeuvre. Alors que je savais qu'il n'y aurait jamais de répétition de cette performance.

Rien ne serait jamais répété, hors de cette salle, écouter, c'était maintenant ou jamais. Je savais que je n'entendrai jamais cette musique qu'une seule et unique fois. J'ai fais attention à la musique.

Tout mon être se tendit alors dans l'ouïe. J'absorbais la musique par tout les sens.
Il n'y avait nulle urgence, juste le bonheur d'entendre, la merveille de l'instant.
Il n'y aurait pas de regret. Sérénité d'être témoin. C'est peut-être la différence entre un miracle et un mirage.

Au réveil. Comment dire ma joie de n'avoir rien perdu. J'ai fais de mon mieux : j'ai écouté de tout mon coeur une musique unique, et rien n'effacera jamais cet événement. Au sortir d'une jam session exceptionnelle, vous gardez le souvenir d'avoir été là, au beau milieu de. Au milieu du beau.
En sortant de ce bassin, il ne reste sur votre corps rien de cette eau.
Les notes glissent sans laisser de trace, mais où est leur chaleur, leurs rythmes de glace et d'insectes chanteurs ?

(Rappelez vous : "C'est l'heure des grillons striduleurs d'histoires dans la couleur de l'air.")


Oui je sentais ce lien privilégié entre ce pianiste masqué et le seul qui dans la foule
savais combien précieuses étaient ces notes, proférées, qui ne seraient jamais réitérées. Et qui marquait à jamais le coeur.

Que dire d'une fausse pièce de monnaie battue dans un métal mille fois plus précieux que l'or ?
La pièce est fausse et donc dans valeur,
la pièce est plus rare que le diamant, est pièce unique d'une valeur au-delà de toute valeur.


Je voulais toucher ce pianiste, lui dire sans parole, je sais.
Mais le congratuler c'était percer à jour en lui le menteur.

C'était le démasquer au beau milieu de cette fête où nul ne montrait son vrai visage.

C'était tout le dilemne.


Le speaker Sinatra vient de susurrer son message. Les gens murmurent à présent,
quelle découverte que cet inédit.

K. me prend par la main : "Pendant la deuxième partie, on devrait danser tu sais"
J'acquiese, ce serait une danse de tous les diables.

Mais d'abord je dois trouver le pianiste.

Il n'y a qu'une seule direction qu'il ait pu emprunter : un escalier aux marches nombreuses qui monte vers la sortie.

Je remarque qu'à part la scène, notre salle de balle est curieusement plongée dans la pénombre. Les sons y sont plus crispants, les corps moins définis. Les déguisements plus vagues. Je commence à monter l'escalier.

Le pianiste est peut-être sorti prendre l'air.
Sur l'île, dans la ville, qui est peut-etre de la Cité.
Fumer une cigarette, priser si nous sommes au XVIIIème.

Je serai fixé sur l'époque en sortant dans la rue.

But I never make it to the top / Mais je n'arrive jamais au sommet.

A mi-chemin, un matador me barre brusquement le chemin.

Impossible de passer. Il est fringué comme Cyrano de Bergerac, comme d'Artagnan, comme le Capitaine Fracasse.
Il a rapière, pourpoint, force broderies.
Un grand masque, une grande écharpe.

Il s'écrie d'une voix de tonnerre, il rit et s'esclaffe en permanence comme un cadet, gascon, mousquetaire :
"Hardi l'ami ! Quelle belle bataille que c'était ! Nous en avons laissé pas moins de 32 sur le carreau ! "
Dos à dos nous serions ainsi venus à bout d'une armée des gardes du prévôt/régent/cardinal.

J'exprime ma surprise, mon incrédulité. Et puis je veux passer, poursuivre le pianiste. Il n'en est visiblement pas question. Et puis il me semble à présent me souvenir. Sommes-nous donc frères d'armes ?

Le rêve est ainsi étrange : on nous raconte des histoires, nous les revendiquons comme vraies et comme notre passé.

Ce rêve parle de fiction, vous l'aurez à présent compris.

Mais au moment même au je commence à reconnaître l'histoire de ce fort-à-bras.
Il met la main à l'épée et ajoute : "Il y a cependant un HIC."

Pendant la bataille, j'aurais percé de ma rapière la cape du capitaine des gardes du régent/prévôt/cardinal.
Fatale erreur.
Cette cape devait être le trophée du matador car la veille, il l'avait abîmé
d'une bombe fumigène de sa fabrication lancée par la lucarne de la salle des gardes.

La cape avait blanchi, mais le capitaine la portait encore étant de ce fait la risée de ses troupes.

Cette histoire s'envenime, car pour le matador c'est clair : pour régler cet affront il faudra un duel.
Un duel à mort.

Je suis horrifié. Il a l'air tout à fait redoutable.

Il se saisit d'un mouchoir de soi.
(oui, de soi)
et le laisse tomber vers le sol.

Le mouchoir tombe infiniment lentement, si lentement que j'ai le temps
de le rattraper avant qu'il n'ait touché le sol.
Il devient alors lourd, extrêmement lourd entre mes doigts
et d'un geste sec, j'en gifle violemment le matador au visage.

Et j'ajoute, je pense "Ah ouais ? Et bien c'est ce que nous verrons".

Devant ma réponse, le Matador a une moue indéchiffrable.

Nous n'avons toujours pas tombé les masques.

Je me réveille la figure plaqué contre la vitre du TGV.


Tomorrow : suite et fin de notre feuilleton existentiel, it's far from being over.

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Commentaires
S
"Il se saisit d'un mouchoir de soi.<br /> (oui, de soi)<br /> et le laisse tomber vers le sol."<br /> > joli !!
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