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Au Bunker de la dernière Rafale
20 mai 2009

PPS

En direct du front, des nouvelles de mon double.


La grand-mère de Manon, affirme avoir voyagé au retour
à quelques sièges de moi. N'a pas osé me parler, mais l'aurait entendu dire au téléphone, "oui, c'est noam".

Dans le métro, je remarque un affiche pour le Théâtre des Amandiers,
un certain Noam Morgenzstern joue dans une pièce qui s'appelle,
STUFF HAPPENS,
I mean : come on !
Yeah, you could say "Stuff happened". And we're such stuff as dream are made.

Mais
Morgenzstern ?
Faites-moi rire, à moi mes bribes d'allemand : Morgen-z-stern ou l'étoile-du-matin.

Pas de duel avec avec un ange, donc, ou plutôt si.

Tout le monde sait que c'est le petit nom de Lucifer.
Je fredonne,
"So if you meet him
Have some courtesy
Have some sympathy, and some taste"

Ouais, ouais. Thank you satan.

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20 mai 2009

Epilogue

Epilogue.


Paris-Montparnasse. Il appelle L., sa ville est belle au soleil de Midi,
qu'il rejoigne Louis & Claire à Belleville, un 96 l'attend à l'arrêt. Il monte, il écrit, il décrit son rêve dont il a commencé à parler à L., au téléphone, et curieusement en anglais.
I had a dream my friend, and such a dream. On le regarde comme un étranger.

Il revient de loin, c'est vrai.


Le 96 parcourt Paris, il respire, croise des regards, d'autres personnes lancées vers d'autres histoires. A Belleville il s'arrête. Mais au moment de sortir, surprise :
il tombe nez à nez avec Manon et Jules son jules alias l'Atlas.

Ils regardent derrière lui, Manon attendaient sa grand-mère, effervescence de retrouvailles croisées : je suis un peu plus vieux, moi aussi !

Cette dernière, très joviale, avoue qu'elle vient du même train que moi.
Happy a many return.

Je les accompagne jusqu'à leur seuil.

Manon et Jules sont pour moi de grands êtres merveilleux, ils irradient d'eux aussi quelque chose comme le soleil. Manon attend une petite fille, à qui j'attend mon heure pour lui offrir l'intégrale de Rahan.

Me revoilà seul, sur le seuil.

Et je me rappelle m'être rappelé qu'ici-même je m'étais brusquement arrêté, en pleine nuit, à Vélib, pour prendre en photo, un tag caché derrière un arbre.

Un tag, un graph, un nom, peut-être un noam.

A côté du disque calligraphique d'une compagnie aérienne arabe oubliée.

Cette interpellation, retrouvée à des endroits stratégiques de Paris, m'avait poussé à apprendre à lire les tags, à les remarquer, à les relier en de longs flux incantatoires, en témoins de présences invisibles. Le génie du lieu écrit son nom dans les coins les plus innaccessibles.

Un slam se fignole quelquepart à ce sujet.

Je reprends une photo
P5100069
je prends Desnos un peu avec moi

"Je tourne en rond mais le ciel change
hier j'étais un enfant
je suis un homme maintenant
le monde est une drôle de chose"


Un nom, une écriture magique, après duel avec ange.

C'est moi qui ai changé, pense-t-il, bien plus que ce miroir.

"Je prends ça comme un bon présage."

Sur le Boulevard de Belleville une brocante retarde immanquablement son arrivée chez Claire.

De vieux appareils photos argentiques : comment résister ?

Et comment résister à l'envie de se procurer
de nouveaux objectifs ?
Saisir l'occasion semble le mot du jour.

Cette brocante qui présente au hasard tous les objets du monde, produira plus tard une autre image.
Une autre histoire.


Il arrive chez Claire.
Et peut prendre dans ses bras ses amis.
Partager avec eux un plat de Spaghetti, boire un grand verre de bière.

Ses pupilles ont des formes de lune, il retrouve enfin la terre.

Il leur parle de cette guêpe dans son verre transparent, qui sabre l'air,
et de synesthésies.

Claire part au Teatro. Lui sort d'un autre théâtre.
En marchant avec Louis il croise Alexiane toute surprise
qui dit c'est incroyable, que le hasard est fou,
que chaque délais, que chaque détour compte pour mille dans ces rencontres à l'impromptu.

Précisément. Il aime Paris et ses faits-glissades.

Avant de partir il avait croisé trois personnes qui ne l'avait pas reconnu.
Il s'était senti invisible.

Aujourd'hui il est un homme en vie.


Rentré chez lui il pose son baluchon,
fait peau neuve sous une eau presque bouillante,

et retrouve, là où il l'avait laissé,
là où il l'avait ôté.

Une bague.

MQBlO

Qui ressemble de plus en plus à l'Auryn de l'Histoire sans Fin.
Ourobouros, évolution et révolutions. Only Revolutions.


Ce noeud, qu'il avait choisi comme une alliance avec lui-même.
Il l'avait laissé là de peur de la perdre
et c'est lui qui s'était perdu.

En la passant il sait bien qu'il formule
une nouvelle alliance.
Qu'à nouveau il possède trois voeux.

Sur internet, il inscrit son histoire, jour après jour, morceau par morceau.
Son premier commentaire est signé 
emora@live.fr
vous vous rappelez Del Giudice, et ses personnages timetolose@find.it et EvilLive@theEnd.com

Internet, son langage et sa grammaire.


Au jardin des Rennes, Aurélie lui raconte ses voyages,
et devant Notre-Dame lui montre une affiche pour un grand concert de Beethoven,
l'avait-il vu ? Il sait bien qu'en marchant dans Paris il engrange la matière même de ses rêves futur.

Qu'aucune pensée n'est perdue.
Il se souvient d'un autre poème :


Le hasard n'est pas à vendre
mais s'offre à n'en plus finir
à la saison des ricochets

à l'orée d'une auréliade
errance inopinée qui dépassera de ses fruits
toutes tes espérances.




Mais le soir-même, c'est à un concert d'improvisation que son père l'invite avec sa soeur.

Lubat and Co. Un jour d'autre naissance, il était au festival d'Uzeste.
Ce soir c'est jam-total, chaos-impro, tout-monde et poèmes.

Lubat nous invite et son Lubathyscaphe navigue par toutes les Occitanies.

Vous pensez, si j'ouvre grand mes oreilles, et si mon kif n'est pas infiniment moderne.

Ces musiciens d'improvisation se relient d'une écoute incroyable
qui dit les silences, les soli, les chambardements.

Une oreille absolue.

La musique ici
et maintenant.


Glissade.

Le lendemain, à la radio, il tombe directement sur la lettre à Elise.
Le rêve à rebours s'est installé dans le réel.


Il monte le son.

Il écoute cette lettre qu'on croit connaître.
Son coeur oscille. Une larme, un rire.

A la dernière note de la sonate. Il referme cette histoire.

He's been
Riding the Synchronicity Wave.



The new chapter of our next tale
came from a friend
and is spelled
    O-C-T-O


14 mai 2009

SForShakespeare

13 mai 2009

L'ombre où la Lumière. Quatrième Partie.

Pendant un court instant mon identité, le pourquoi ma présence sur ce siège me paraissent très confus.

Ma tête dodeline. Je sais qu'il y a des chances pour que j'oublie tout, que je me rendorme et la pensée me cisaille comme un bande de médecins hystériques courant à travers un hôpital désert en hurlant "We're losing it ! We're losing him ! On le perd ! On le perd !".

Il faut sauver ce rêve de l'oubli.
Les yeux poisseux de sommeil je cherche à tâton le plume, le carnet. J'écris.
Sans mes lunettes et d'assez loin pour que je n'aperçoive qu'un amalgame de pattes de mouches bleues. Je me demande si je rêve. Je me demande si je ne vais pas retrouver des dizaines de pages de carnet barbouillées d'une écriture incompréhensible.

Peu à peu je m'éveille.

Du rêve à l'écriture, des choses se font plus claires.
Jouir des sens, s'attaquer aux masques des choses, aux subterfuges, c'est ce que je fais encore. Il sera question de duel, de duo. Ce duel quel est-il à part celui du dormeur avec les forces du rêves. Je commencais à en savoir trop : à voir des symboles où il y avait des choses, à entendre des mots d'esprit où il n'y avait que des mots et que l'esprit est une chose inaudible.

La manière dont ce rêve s'est offert, au réveil, au réel est presque aussi importante que le récit du rêve lui-même.


Des rêves ont marqués ma vie, mais celui-ci m'a laissé un goût de métamorphose dans la bouche. Comme un déclic, une paroi qui cède ou qui s'ouvre. Un petit pas d'homme. Une étape. Une écluse de franchie. Un mélange de soulagement et de courage.

Oh, je ne peux pas, je ne veux pas te taire, te laisser t'évaporer, petit moment de prodige. Ce n'était qu'un rêve. C'était un rêve. Un rêve sait seul ces choses là.
Impalpable mon.

.de.

Le faux, meilleur que l'original, et le rêve dépasse la réalité,
lui indiquant
si somptueusement
la marche à suivre.



Cet interprète qui n'interprétait rien, qui inventait tout.
Ce spectateur qui se livrait à toutes ces interprétations.
Ce rêveur qui croit voir, croit découvrir, et qui au fond, invente tout.


A aucun moment n'ai-je suspecté d'être dans un rêve.
Je suis pourtant familier de la chose.
Ce n'est pas un rêve à tiroir. Non : c'est beaucoup plus subtil
C'est un rêve à miroirs.
Un rêve en abyme, une essence du rêve,
le masque c'est le visage du rêve.

Que disait le matador ? Il disait, "tu n'aurais pas du percer, ce que j'avais abîmé",
au réveil j'entendais si clairement  :  ce qu'il avait mis en abîme, en abysse, en abyme.

Cette cape noire blanchie qui fait coexister les contraires et qui est l'objet de notre dispute. C'est un pan de fiction, un morceau de son histoire tissu, tissée d'hyperboles gasconne et des récits d'aventures qui nourrissent ce détail du rêve.

Tout est à l'image de ce drapé : ses qualités s'étalent dans le temps, c'est précisément plusieurs choses à la fois.

Percer à jour une ombre n'est pas sans danger.
Dans ce rêve de masques, personne ne les retire mais l'on frôle cette extrémité.

On frôle la nature des masques.

On explore jusqu'au seuil l'espace du rêve, sans en sortir, sans en craquer l'enveloppe fragile. Tout en devinant que les choses ne sont pas ce qu'elles sont.
Qu'elles sont plus que ce qu'elles proclament. Que certains masques sont peut-être peints à même le visage.
L'évidence est indécelable. Comme une lettre de Poe.
Dans ce rêve tout est clair comme l'orage.



Cette guêpe dont j'ai la vision subite, dont chaque geste est un accord de musique,
sa surprise, son exploration, sa rage, son épuisement, son espoir, sa fuite qui sont tout le spectres des émotions humaines.
Cette guêpe prisonnière d'une coupe. Un instant qui lui semble une éternité,
dans une prison qui est un espace qui est un monde,
dont elle palpe les parois, dont elle sent la pression, dont elle hume les odeurs
cette coupe
c'est le rêve.

Le rêve nous coupe du monde.
Mais il y substitue un autre réel.
Qui a l'air tout aussi vaste, même si c'est un trompe-l'oeil car certaines portes, certaines fenêtres sont sans doute peintes, mais cela ne le dénue pas de sens pour autant.

Cette guêpe dont le vol est musique...

le rêve est une musique improvisée

qui se donne pour la marche ordonnée du monde mais s'adonne à la haute voltige  des soubresauts de l'être.

Le rêve est au
fur et à mesure, imprévu, inécrit,
mais peut s'offrir dans sa forme, parfois, peut-être, plus tard.

Peut-être ici.
A polaroid in the process. That sometimes one luckily access.

Sonate frappée du sceau du mensonge qui dépasse en beauté toute les musique existantes.
Guêpe prise ou prisonnière d'une coupe, qui est un gobelet transparent de plastique, qui est peut-être le Graal.

Expérience du temps, des sens et de l'espace.

Et le clou de notre spectacle.
Un matamor aux airs de Cyrano qui est, c'est d'une telle évidence que je le voyais pas dans le rêve, un personnage de théâtre.
Costume flamboyant, voix tonitruante : bien sûr que le rôle était joué et surjoué.
Bonjour Monsieur le Capitaine Fracasse.
"Un fumigène de ma fabrication"  : on aurait dit le baron de Münchausen.
Mais c'était bien lui le fumigène ! L'écran de fumée.
La poudre aux yeux, la main virevoltante du prestidigitateur qui fixe le regard, et l'attention tandis que la main escamote.

A cause de lui qui fait écran avec verve, je lâche la proie pour l'ombre.
Sans me douter que l'ombre est précisément la vérité que je cherchais.

Ressort du rêve, il devait m'empêcher de continuer à tout prix : monter cet escalier, sortir dans la rue confronter le musicien à son mystère, ç'aurait été arriver à Paris avant l'heure, ç'aurait été sortir du rêve avant son achèvement. Et pour moi ce rêve est complet. Il s'interrompt que sur un suspense apparent.


Ultime stratagème du rêve, je cherchai à contourner le matador pour trouver le musicien, sans penser que nous étions seuls sur ses marches.
Que le musicien jouait là son dernier tour magistral.
Oui, cet homme que je voulais éviter, c'est l'homme que je cherchais.

C'est un acteur, mais ce costume vient-il de l'enfiler ? Etait-ce son vrai costume caché sous les dentelles du musiciens ?

Voilà que la diversion était précisément l'essentiel. Dans ce jeu de poupées russes. Un acteur qui joue au mousquetaire qui joue au musicien, un mousquetaire jouant à l'acteur jouant un mousquetaire. Un musicien qui...

Un artiste de la chose, quoi, qui n'avait nulle intention de m'éviter : qui est venu à ma rencontre de son propre chef et qui m'a confronté.

Je revois la bataille contre les gardes du prévôt/régent/cardinal, j'y étais ! Autant qu'on peut croire ces personnages de rêves qui vous racontent votre propre histoire et que vous intégrez comme votre passé. C'est une histoire, mais c'est bien vrai.

Vous connaissez bien ces mousquetaires à la Jim Kelly qui se battent en s'esclaffant, tourbillonnant de droite et de gauche, utilisant banc, tabouret, lustre et chandelles. Parant de la droite et perçant leurs adversaires de bottes extraordinaires. Comme des guêpes, comme des frelons verts. Feinte, contre-feinte, esquive et tac. La botte de Neuvers.

La forme est parfaite, le combat imprévisble à chaque instant. Ce combattant là est un artiste de la chose !
Jim Kelly est chorégraphe peut-être, mais d'Artagnan est tout à fait improvisé.

Seul un cadet de Gascogne aurait eu le cran de tenir devant la foule assemblée une telle supercherie. Un inédit de Beethoven, pas plus tard que maintenant. Foutredieu. Quelle audace !
Cette sonate unique sans tactique et tactile
Et dont j'étais l'ombre tacite....

Qu'on me parle à présent de ce duel. Un duel à la vie comme il y a des duels à la mort.
Comme on s'aime à la vie à la mort.
Comme on oscille entre la v. et la m.


Si le rêve s'achève à la promesse de duel, c'est parcequ'il a déjà eu lieu.
J'en suis sûr.
C'est que ce duel était magnifique et qu'il était un duo.

Pour qui jouait ce pianiste, je veux dire essentiellement, sinon pour le seul qui savait d'où venait chacune de ces notes : ni d'une partition, ni d'une célébrité, mais de lui. Celui dont l'esprit bataillait mon déceler le sens caché de ces actes musicaux.
Mais reconnaître son génie, c'était déjà le trahir, et je vous assure que la foule n'aurait pas pris la supercherie à la légère, qu'il est des royaumes oniriques ou théâtraux  où les imposteurs sont punis de morts, où il est très grave de s'inventer un rôle ou de mentir.

Ce lien intime, ce lien secret qui nous unissait pendant que j'écoutais gravement, simplement chaque note, sans regretter leur nature éphémère, en acceptant tout de cette musique, ce qu'elle était.

Il jouait pour moi, pourtant il avait tout à craindre de cette intimité. Envers et contre moi. Il me donnait sens, parmi la foule, je lui donnais sens, par cette oreille absolue que je lui tendais. Et par notre alliance les enjeux subitement se trouvait dangereusement élevés.
On en sait parfois trop pour faire bien ou faire le bien.

Ce concert duo, ce duel invisible, intense et bouleversant, entre le pianiste et son auditeur.

Il y avait la foule et ce couple d'êtres.

Et si je vous dis que nous faisons la paire...

Il faut que je vous parle de mon frère.




Au sens symbolique, bien sûr, puisque nous y sommes.


Le matériel du rêve ( vous savez ces détails qui servent à sa construction à court sur des années et des années. Du Trois Coeur de Jack London et son "Nous pourrions dévorer le monde, dos à dos contre le grand mat", à un exposé que j'ai tenu la semaine dernière sur EvilLive de Del Giudice et qui finissait par cette citation  :
"Avec qui lutte Jacob, Timetolose ? Te souviens tu ? Contre qui lutte Jacob, en silence, dans la nuit de la lutte ? "

Et je ne savais pas encore que la question s'appliquerait à ce point au lecteur.

Car dans la merveilleuse encyclopédie hypothétique des symboles, si elle existait, à l'entrée "Duo, Duel", vous trouveriez sans doute cette mention laconique : Jacob and sort it out yourself. Débrouillez-vous.


Si vous saviez combien j'ai été près de me perdre, sans trop savoir vers quelle vie, vers quelles valeurs je retournais en montant dans ce train.

Combien il était temps que survienne cet instant, cet instance de catch mental.
Combien de comptes j'avais à régler avec moi-même.


Dans la Genèse, il est écrit que Jacob fit traverser le gué à ses femmes, ses possessions, ses gens. je vous invite un jour à faire de même.
Par soustraction vous voyez, on est bien sûr qu'il ne reste que lui. Précisément lui.

Pourtant un homme est à ses côtés sur la rive et lutte avec lui jusqu'au petit matin, sans dire un mot. Dans une étreinte furieuse. Qui devient je ne sais quelle lutte symbolique et fabuleuse.

Personne ne peut prendre l'avantage. Jacob ne lâche pas prise, même quand l'autre lui déboîte la hanche. L'autre refuse obstinément de lui dire son nom, mais quand le soleil se lève, il lui déclare que Jacob s'appellera désormais Israel et lui donne sa bénediction.

On dit que Jacob a lutté contre un ange.
D'aucuns ajoutent qu'il a chanté la chanson de Boris Vian "Fais moi mal Johnny", en remplaçant épaule par "en ml'aissant une hanche de démise ! ".

Là n'est pas là question.

Ou plutôt si. Jacob porte les marques du changement à même son corps, comme nous portons fièrement nos cicatrices.

Et au lever du jour, il a changé, son nom a changé. Son ombre aussi peut-être. L'enjeu du combat est une résolution nouvelle.

I'm talking about a coming of age.

Cette lutte, contre un homme qui est un ange, qui est un dieu, qui est le diable, qui est étrange, étranger, qui est peut-être lui-même.

De forces immensément supérieures, de forces parfaitement égale.

Si vous demandez, je dirai que Jacob, resté seul auprès d'un gué n'est pas resté seul très longtemps. Je vous présente le frère. Un frère d'eau plutôt qu'un frère de lait. Le reflet. Jacob avait des choses à régler avec lui-même.

Ils étaient donc deux. L'homme et son reflet.
L'homme et son verso.
L'homme et son verseau. Jacob et l'autre versant.

Cette ombre qui le suit depuis le berceau.

et avec laquelle nous avons parfois des querelles à vider.

Son double. Son trouble.


J'ai raconté il y a quelques temps la légende indienne du Dweller on the Treshold
et du danger qu'il y avait à rencontrer son double (malédique), théorisé il y a près d'un siècle par la maman de Corto Maltese.

Je ne sais pas si ce serait très sérieux d'appeler celui de mon rêve le triple.


Mais lui c'est un sacré morceau.
C'est le bon jumeau. Bambino dell'oro. Celui qui est un milliard de fois plus fort que soi. The one born with the gifts and all the wits. The perfect one. The golden boy.

Y-a-t-il des lecteur de House of Leaves, de Hellblazer ? Y-a-t-il des jumeaux maléfiques ou fantastiques dans la salle ?

Car oui, tel le slogan de l'antique compagnie SEGA : le triple c'est plus fort que toi.

Ce terrible, ce super Alter-ego...

Il est le musicien que je ne suis pas, le piano que j'ai abandonné, le virtuose.
Il est l'acteur parfait, au moment où dans ma vie le théâtre implose. J'ai fait du théâtre, je ne serai pas ça. Amoureux du théâtre mais résolument amateur.
Douloureusement amateur.

Il est la dernière clef du rêve.


C'est donc lui, avec ses deux visages, avec ses deux aspects. Lui qui me prouve pourtant que la beauté existe, et qui me met à l'épreuve.
Qui m'éprouve. Qui est infiniment meilleur que moi et qui me met au défi.

Qui joue avec moi, pour moi mais qui se joue de moi. Qui se bat avec et contre moi.

Mais qui n'est qu'un rêve, qu'un fantasme, qu'une illusion, et qui dépasse les bornes de sa nature fictive, en agissant pour la toute première fois au lieu de n'être qu'une présence désespérément supérieure et moqueuse.
En me mettant au défi.
En mettant la barre si haut, mais en m'intimant de faire un pas vers lui.

De dire ce qui subsistera du rêve, cette beauté, son morceau.
Pour que je la fasse exister, dussè-je la recréér
ou du moins puisque tel est mon art

la raconter. Mais pour dire cette musique qui est un langage mais qui n'a pas de langue
il faudra trouver des mots miens.

Ah c'est facile, quand on est un être imaginaire, d'être né avec tous les dons. Ce qu'il va falloir se battre pour se faire un nom.

L'acteur et le conteur se sont croisés, toisés, rencontrés.
Mais je ne veux plus de ces rôles écrits par des autres.
Je veux être un conteur.


Un spectateur aux yeux ouverts dont la langue ne serait pas engluée.

C'est drôle qu'on dise interprète pour un musicien comme pour un acteur.
Car au réveil, j'avais sous les yeux, un message à lire, un rêve à interpréter.
Je veux être un interprète du troisième type.



Où ai-je rêvé. Puis-je le dire ? Le train est loin d'être un seul lieu : j'ai dormi d'un point à un autre porté par une vitesse prodigieuse.
J'ai rêvé dans l'entre-deux.
Dans l'entrebâillement.

Et le pied dans la porte, toutes ces choses se sont produites.

Tous les faisceaux de la semaine précédente convergeaient vers cette vitre inconfortable et froide. Ainsi cheminent les pensées, ainsi décantent les angoisses, dans ce grand underground, ce grand train souterrain passant derrière les pensées, comme un sous-marin, comme un Nautilus qui porte pour devise Mobilis in Mobile.

Ce mouvement, du réel aux sens, des sens aux rêves, du rêve de l'art à la pensée de ce qui est vrai.
De par ce rêve j'ai avancé.


Ce point de force entre deux époques, hors du temps comme devrait l'être tout bal masqué. Hors le temps, hors l'identité. Dans la possibilité.
Entre ces époques qui communiquent, certains sont figurants, d'autres préfigurations, d'autres défigurations. Qui joue, de quel rôle et de quel instrument ? Et quelle feinte absolue que de jouer dans ce bal son propre rôle. Identité, vérité, fiction : une vraie guerre des Triades intérieure je vous dis.

Rêvé dans l'entre-deux, vécu dans l'ambigu, clearly it was time for some revelations.



De l'ombre à la lumière. En montant ces marches par degré.
Je suis parti de Bordeau, et de ce bord de l'eau était-il évitable que je ne rêve double ?

J'arrive à Paris mais dans le plein soleil.


Et je me remémore cette phrase de House of Leaves.
Non sum qualis eram. I'm not what I used to be. Je ne suis plus ce que j'étais.

Cette phrase a un très bon, et un très mauvais côté.
Cette recontre onirique aurait pu très mal tourner.




Je ne me suis pas soumis. Et je ne suis pas rentré à Paris, brisé, morcelé, affaibli.

Comme je l'aurais été sans ce rêve. Mais taillé d'un bois nouveau, après avoir découvert de nouvelles harmoniques.

J'ai relevé le défi. Ce gant, ce mouchoir de soi.
Avant qu'il ne touche le sol, c'est à dire la terre, le sou, le soleil.... J'avais le temps...
Une oeuvre d'art, c'est quelque chose qui a la valeur exacte d'une étoile. You sort this out.

Je trouverai la terre cachée derrière le soleil soûl.

Je garderai tout contre moi ce rêve.

J'étais dans l'ombre où la lumière transparaît.

13 mai 2009

L'ombre où la Lumière. Troisième partie.

Vous avez peut-être déjà rêvé d'un livre fabuleux, d'un poème prodigieux, d'une musique inouïe : cochez l'hyperbole de votre choix. Au réveil c'est le déchirement d'avoir perdu ce qu'on avait de précieux et qu'on avait sous les doigt. Silence, cendres, absences.

J'ai déjà fait des rêves ou j'écrivais furieusement : je me réveillais avec l'absence même d'une page blanche.

Ce qu'on pensait avoir toujours, on ne l'a eu jamais.

Cette fois, c'était diablement différent.

Du moment où j'ai compris que tout ce concert n'était qu'une improvisation hors du commun, tout a changé : je voyais bien qu'autour de moi les gens pensaient  plus tard acheter la partition, le disque et posséder l'oeuvre. Alors que je savais qu'il n'y aurait jamais de répétition de cette performance.

Rien ne serait jamais répété, hors de cette salle, écouter, c'était maintenant ou jamais. Je savais que je n'entendrai jamais cette musique qu'une seule et unique fois. J'ai fais attention à la musique.

Tout mon être se tendit alors dans l'ouïe. J'absorbais la musique par tout les sens.
Il n'y avait nulle urgence, juste le bonheur d'entendre, la merveille de l'instant.
Il n'y aurait pas de regret. Sérénité d'être témoin. C'est peut-être la différence entre un miracle et un mirage.

Au réveil. Comment dire ma joie de n'avoir rien perdu. J'ai fais de mon mieux : j'ai écouté de tout mon coeur une musique unique, et rien n'effacera jamais cet événement. Au sortir d'une jam session exceptionnelle, vous gardez le souvenir d'avoir été là, au beau milieu de. Au milieu du beau.
En sortant de ce bassin, il ne reste sur votre corps rien de cette eau.
Les notes glissent sans laisser de trace, mais où est leur chaleur, leurs rythmes de glace et d'insectes chanteurs ?

(Rappelez vous : "C'est l'heure des grillons striduleurs d'histoires dans la couleur de l'air.")


Oui je sentais ce lien privilégié entre ce pianiste masqué et le seul qui dans la foule
savais combien précieuses étaient ces notes, proférées, qui ne seraient jamais réitérées. Et qui marquait à jamais le coeur.

Que dire d'une fausse pièce de monnaie battue dans un métal mille fois plus précieux que l'or ?
La pièce est fausse et donc dans valeur,
la pièce est plus rare que le diamant, est pièce unique d'une valeur au-delà de toute valeur.


Je voulais toucher ce pianiste, lui dire sans parole, je sais.
Mais le congratuler c'était percer à jour en lui le menteur.

C'était le démasquer au beau milieu de cette fête où nul ne montrait son vrai visage.

C'était tout le dilemne.


Le speaker Sinatra vient de susurrer son message. Les gens murmurent à présent,
quelle découverte que cet inédit.

K. me prend par la main : "Pendant la deuxième partie, on devrait danser tu sais"
J'acquiese, ce serait une danse de tous les diables.

Mais d'abord je dois trouver le pianiste.

Il n'y a qu'une seule direction qu'il ait pu emprunter : un escalier aux marches nombreuses qui monte vers la sortie.

Je remarque qu'à part la scène, notre salle de balle est curieusement plongée dans la pénombre. Les sons y sont plus crispants, les corps moins définis. Les déguisements plus vagues. Je commence à monter l'escalier.

Le pianiste est peut-être sorti prendre l'air.
Sur l'île, dans la ville, qui est peut-etre de la Cité.
Fumer une cigarette, priser si nous sommes au XVIIIème.

Je serai fixé sur l'époque en sortant dans la rue.

But I never make it to the top / Mais je n'arrive jamais au sommet.

A mi-chemin, un matador me barre brusquement le chemin.

Impossible de passer. Il est fringué comme Cyrano de Bergerac, comme d'Artagnan, comme le Capitaine Fracasse.
Il a rapière, pourpoint, force broderies.
Un grand masque, une grande écharpe.

Il s'écrie d'une voix de tonnerre, il rit et s'esclaffe en permanence comme un cadet, gascon, mousquetaire :
"Hardi l'ami ! Quelle belle bataille que c'était ! Nous en avons laissé pas moins de 32 sur le carreau ! "
Dos à dos nous serions ainsi venus à bout d'une armée des gardes du prévôt/régent/cardinal.

J'exprime ma surprise, mon incrédulité. Et puis je veux passer, poursuivre le pianiste. Il n'en est visiblement pas question. Et puis il me semble à présent me souvenir. Sommes-nous donc frères d'armes ?

Le rêve est ainsi étrange : on nous raconte des histoires, nous les revendiquons comme vraies et comme notre passé.

Ce rêve parle de fiction, vous l'aurez à présent compris.

Mais au moment même au je commence à reconnaître l'histoire de ce fort-à-bras.
Il met la main à l'épée et ajoute : "Il y a cependant un HIC."

Pendant la bataille, j'aurais percé de ma rapière la cape du capitaine des gardes du régent/prévôt/cardinal.
Fatale erreur.
Cette cape devait être le trophée du matador car la veille, il l'avait abîmé
d'une bombe fumigène de sa fabrication lancée par la lucarne de la salle des gardes.

La cape avait blanchi, mais le capitaine la portait encore étant de ce fait la risée de ses troupes.

Cette histoire s'envenime, car pour le matador c'est clair : pour régler cet affront il faudra un duel.
Un duel à mort.

Je suis horrifié. Il a l'air tout à fait redoutable.

Il se saisit d'un mouchoir de soi.
(oui, de soi)
et le laisse tomber vers le sol.

Le mouchoir tombe infiniment lentement, si lentement que j'ai le temps
de le rattraper avant qu'il n'ait touché le sol.
Il devient alors lourd, extrêmement lourd entre mes doigts
et d'un geste sec, j'en gifle violemment le matador au visage.

Et j'ajoute, je pense "Ah ouais ? Et bien c'est ce que nous verrons".

Devant ma réponse, le Matador a une moue indéchiffrable.

Nous n'avons toujours pas tombé les masques.

Je me réveille la figure plaqué contre la vitre du TGV.


Tomorrow : suite et fin de notre feuilleton existentiel, it's far from being over.

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12 mai 2009

L'ombre où la Lumière. Seconde partie.

Les chocs et les clashs des journées précédentes, la fatigue, l'angoisse, l'espérance convergent alors et forment un rêve inespéré.

Le plus beau rêve qu'il ait jamais fait.
Le plus riche de conséquence.

Et les mots manquent pour le dire. En se réveillant il aurait pu murmurer comme un certain Deckard :
"I dreamt ... music".


Et toutes les contrariétés et les aspérités des sens comme les parois rugueuses d'un coquillage, s'allient pour produire
précisèment
cette anomalie,
une perle
cette utopie.


Il rêve
de musique.



C'est une salle de bal sur une île dans une ville peut-être de la Cité.
C'est un bal masqué, K. est près de moi. On nous a promis à tous une surprise.

Je ne sais pas si nous sommes au XXIème siècle en costume où si nous sommes à un bal masqué du XVIIIème siècle.
Un homme arrive sur la scène, et susurre : "Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. C'est un immense plaisir pour moi, de vous annoncer qu'on a découvert il y a peu une sonate de Beethoven tout à fait inédite. La plus belle qu'il ait jamais composée."
Murmures, bruissements dans la salle, incrédulité. Mais le pianiste arrive et dès les premières notes, cet événement extraordinaire ne saurait plus être nié.

Oui j'entendais cette musique. Je sentais chaque note me parcourir.
C'était, dans cet extrême que nous permet parfois le rêve, la plus belle musique du monde. Je vous l'assure, j'y étais.

Je voyais de très près les doigts du pianiste parcourir le piano.
Les accords, les structures tout un solfège fantastique dansait devant les yeux des spectateurs.
Et le spectre entier des émotions humaines nous bouleversait.
De force, de justesse.
Tantôt le pianiste effleurait le piano.
Tantôt il se déchaînait.

L'image se superposa devant mes yeux d'une guêpe prisonnière d'un gobelet.
Déboussolée, hésitante. Touchant, goûtant tout des ses antennes et de ses palpes.
Déchaînée piquant tout de son aiguillon. Epuisée battant des ailes au ralenti.
Et, libérée du gobelet, s'éloignant dans le ciel, d'abord zig-zag, puis cercle, puis point. Disparaissant.

Cette image, c'était peut-être une infime fraction du morceau.

La joie jusqu'aux larmes, la tristesse de tous mes deuils. La musique, dans l'acoustique velotuée de la salle.
Pour sûr qu'eul murmure des murs dure...

Progressivement, une vérité qui n'effleurait pas l'esprit de l'assistance s'imposa à mon esprit.
Car si je jouissais infiniment de cette musique, je me sentais l'analyser, la questionner et la manipuler en tout sens par une intelligence loin d'être assoupie. Car vous sentez bien combien nous étions près de l'hypnose.

La musique était tout simplement trop belle pour être de Beethoven.
Dix fois, cent fois, mille fois plus belle que Beethoven.
Cela se mesurait ainsi.

Je vous prie de bien vouloir imaginer....

Supercherie, mensonge, tromperie, mascarade. Mais que dire d'un faux meilleur que l'original ?
Et que dire d'une imposture lors d'un bal masqué ?

Je savais à présent en mon for intérieur que c'était le pianiste qui était l'auteur de cette musique.
Et qu'il nous jouait à tous un tour prodigieux.

And then it hit me.
Le pianiste n'a pas écrite cette musique. Il est en train de l'improviser.

Et tandis que le morceau reprend de plus belle,
je suis le seul témoin de cette errance infiniment belle.

"Mon amour... c'est merveilleux."

Encore un accord, puis une touche à moitié enfoncée, un son tenu et prolongé, allongé dans le son sans fond d'une sourdine et puis le silence.

Les invités sont trop stupéfaits pour applaudir, le speaker aux airs de Frank Sinatra qui revient pour sussurer d'une voix suave:
"et à présent une entracte avant la seconde partie".






Stay tuned my friends, it gets deeper and weirder in the end.

12 mai 2009

L'ombre où la Lumière. Première partie.

Il est arrivé à Bordeau par le tram, son baluchon sur le dos, les cheveux en bataille, les yeux cernés. Sur la place de la Victoire il prend en photo une énorme tortue d'acier, attrape un casse-croute et marche vers la gare par le cours de la Marne.

Il marche vite, regarde les tags, autre ville, autre litanie. Il passe devant des échoppes, des peep-shows, des cafés mais il n'a qu'une idée en tête : décamper. Partir vers Paris. Rentrer chez lui. Il a quitté sa troupe de théâtre. Il lui a fallu reconnaître qu'il ne pourrait pas tout faire, pas tout finir, cet projet ambitieux qui demandait un engagement sans faille, et son master de Littérature dont le dernier mois demandait un travail incompressible. Le livre, les livres qu'il a choisi ne sont pas des bouchées faciles. Il est sur le seuil.  Il veut plonger dans la littérature, écrire. Il a transmis son rôle à Félix, mimant ses gestes, puis se retirant dans l'ombre. Le coeur écartelé, les crises d'angoisses, les sanglots, pendant un exercice de danse trop intense, il ne connaissait plus ça depuis longtemps.

Il avait peut-être évité de faire des choix, en disant toujours oui à tout le monde, en se sortant d'un cheveux de situations embrouillées. Artiste de la veille, de la dernière minute. Il faudrait peut-être commencer à faire les choses biens, à faire des choix, à donner sa chance à la première minute.

Il est libre de ces engagements, mais son coeur est bouleversé. Il ne s'est pas douché depuis quatre jours. Il a l'air d'un vagabond avec son sac de marin. L'insoutenable légèreté de... l'aventure.

Ne retourner  nulle part. Venir de loin.
Dans cette gare partir. Mais pour où.

Il se récite des morceaux d'Only Revolutions. "And just like that. I come around"

La gare infiniment loin se profile enfin. Ses bottes trop serrées fournissent un dernier effort.

Back to where we were.

Il scrute le tableau noir.
Il n'y a plus de train pour Paris.
Incrédule. Amusé. Un peu au-delà du désespoir.

Passer la nuit à Bordeau alors qu'il pensait juste la traverser.
Il sort de la gare. Quatre flashs dans le ciel l'éblouissent.
Sonné par ces blancs successifs il écoute et sans surprise on entend venir le fracas du tonnerre.

L'orage éclate.

Un orage de chaleur.

La place de la gare se vide.

Que faire ? La scène se brouille : deux moustachus en short et bandana rouge apparaissent e surimpression sur le ciel obscure et susurrent : 118. silence. 218. silence. puis disparaissent. Les dieux de la sagesse se sont manifestés. Il cligne des yeux.

Le dixième de la moitié du quart d'une barre de batterie s'affichent sur son cellulaire :  il n'a plus le temps d'hésiter. Appeler les renseignements ou passer la nuit sur le parvis de la gare.
Il est dix heures passées, on lui passe l'auberge de jeunesse.

Il reste un lit. Dans une chambre de quatre. Est-il prêt à partager ?
Il est prêt à tout.

Ses compagnons de chambrée sont vieux, et donnent à entendre un concert de ronflement tellement agressifs qu'il ne ferme presque pas l'oeil de la nuit.
Par la fenêtre l'orage strie le mur de blanc. Dans le couloir une lampe grésille et clignote. La porte de la douche lui reste dans les mains. Poussé dans ses retranchements, il subtilise une dose de dentifrice dans une trousse de toilette laissée à l'abandon. Son reflet hagard dans la glace, les yeux cernés, ne lui revient pas.

Il se réveille en sursaut après avoir grapillé un ultime moment de sommeil.
Comme une bête traquée il rôde jusqu'au réfectoire attrape des céréales.
Court jusqu'à la gare, achète un billet au prix fort, monte dans le train et s'endort.

Il s'endort le corps vrillé contre la vitre, la peau moite de sommeil, de sueur et de pluie.

Il s'endort, il s'enferme dans le sommeil. Il rêve. Il s'enrêve.
La tête balloté contre la vitre et les grincements du train poussifs, il ne "plonge" pas dans le sommeil à la légère. Il saute du haut du tremplin de la piscine olympique directement dans le sommeil paradoxal.

Il rêve.

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