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Au Bunker de la dernière Rafale
18 mai 2007

Shortbus

Shortbus
you've got to get in to get off

shortbus08

 

« John Cameron Mitchell said he would like to do a movie
about love and sex that would not censure itself in any way. »

Ce film m’a bouleversé, mais comment trouver les mots justes pour
en parler ? Par où commencer ?  Par où sinon par ce corps si vénéré
et si exécré de nos sociétés modernes.

 

Apologie du bien-être dans les médias mais surtout du bien-penser,
Sections sexo des magazines sexy qui ne savent plus quoi inventer,
est-on assez ceci, cela, a-t-on essayé ceci cela, cela jamais. Elles
pendouillent, ces annonces stupides devant nos yeux, ces chiffres,
matraques tuant la trique : publicités délétères de nos métros !

 

L’érotisme est mort sous une épaisse couche de vernis publicidaire.

 

L’amour, le désir est quelque chose de brûlant, qui s’accommode
de poésie, de littérature, mais certainement pas du journalisme.

 

Pourtant on parle : mais on en parle trop et l’on en parle mal.
Car la gêne, es-tu gêné d’être gêné, demeure, insidieusement.
Le sexe et ses couvertures glacées, qui l’aseptisent. Sade, dératisé.

 

                                Hurlerons-nous en sa faveur ?

 

Entre l’érotisme et la pornographie il y a tout l’écart, l’immense
écart du mystère.
Entre l’érotisme et l’amour, il y a tout l’écart, l’immense écart du
sentiment.

 

Sade n’est pas plaisant à lire : fantasmes d’ogre démesuré ! Il y
aurait plutôt à rire des outrances, boursouflures subtiles des corps,
l’homme aux obscénités vastes comme des marées.
Ecrire les mots du corps, il s’en glorifiait - caca con vit qu’on vide
con foutu baffré foutre - il devait s’amuser beaucoup. Que reste-t-il ?
La sexualité, et tout son pouvoir de subversion.

 

Et pourquoi….

 

Pourquoi deux personnes qui ferait (vraiment) l’amour
ne pourraient-elles être autre que révolutionnaires ?

 

Et sur un écran de cinéma ? Que se passerait-il ?

 

Vaste programme que de réinsuffler aux corps cette magie
        qu’on leur a volée,
et que les amoureux retrouvent instinctivement,
et que les amateurs d’arts recherchent aveuglément.

 

« I fell in love
with the stench
his penis when erect is distinguished
by an expressive scar
cut by a canine tooth

we fuck like wolves
in certain phases of the moon. »

-Laura Rosenthal-

 

Shortbus est un film qui m’a choqué par sa sincérité, son sans chiqué.

 

Et cet héritage flou des années soixante, qu’on aurait tort d’oublier,
forces vives de l’amour et de la jeunesse, et les chansons

 

 

de Moustaki :    

 

Nos enfants vont faire
L'amour ensemble
Des enfants qui feront
De la musique ensemble…

 

Le bonheur, parce que tout cela a trait au plaisir. Et qu’on voudrait
que ce plaisir soit d’un ordre supérieur. Plaisir des fruits défendus,
plaisir du désir affirmé à la face du monde et des interdits.

 

Inconsciemment les amoureux s’imaginent peut-être briser quelque interdit.

 

Que de chemins détournés, et je m’en excuse, mais comment mettre les mots sur…
                Comment mettre la main sur les mots ?
Met-on des mots sur une main comme on pose des mains sur un corps ?
Peut-on seulement montrer l’étreinte ? Faire sentir la chaleur d’un corps nu ?

 

C’est une réponse particulière à ces questions qui me surprend dans
Shortbus : si souvent face à l’oeuvre, on se teinte d’un sourire,
sentant les ficelles de la tentative… on est si rarement captivé.
        Mais Shortbus n’a pas sonné creux.

 

                D’abord ce sont eux. Des personnages. Et ça, l’amour.
                 Et cela, le sexe. Comment faire en sorte que nos corps
                    s’aiment. Alors que nos corps sèment. Notre indépendance
                    à défendre. Arrière, barrières : le monde les a érigés. Dépendances…

Un des personnages ne peut pas jouir. Risible ? Dramatique. Elle
n’arrive pas à avoir cet orgasme libérateur. Qui est incapable ?
Elle, lui ? Un orgasme est il seulement pris, reçu, donné ?
Le plaisir : à qui appartient-il ? à qui appartient-on dans le plaisir,
on dit s’appartenir, on se tient on se sépare, on se sait par quelqu’un.
On se tient, épars, contre l’un. On s’y jette ou blottit. Vivre ou comment
vibrer, pulser, lécher, sucer il faudrait dire donner sens, donner vie
sans dessus dessous c’est : concoction du bonheur en cocon galactique.
Sans ce plaisir suprême ferait-on l’amour ?
Ne devrait s’y mêler ni habitude, ni perpétuelle crainte de

 

décevoir : tout devrait y être extraordinaire.

 

Ce personnage, cette femme, cette asiat’, désire un orgasme.
Horizon qui la laisse incomplète : contre cette frustration
on frissonne déjà d’un climax à venir. Imaginons que cela
soit vrai, nous autres spectateurs sexés et orgasmés (on le
suppose au minimum) la regardons comme depuis un miroir
sans tain. Désir, frustration et simulation. Tout nous touche :
sommes-nous réellement les membres privilégiés d’un monde
fantastique de l’orgasme où les membres des deux sexes
prennent des dimensions féeriques ? Sommes-nous ? Ou
plutôt, comme elle, ne sommes-nous pas que de vierges
pratiquants du Kama-Sutra. Nos verges vers… quoi ?
Je crois que si l’on s’abandonne à ce film,
on accepte de cheminer avec cette femme.

 

Bien sûr, il y a d’autres récits dans la trame : mais celui-ci
en est le moteur, celle-ci en est l’initiatrice. Cette femme chemine vers...
L’orgasme : est-il autre chose qu’un instant gainé d’or ?
                    Spasme(s) d’un beauté convulsive…

 

Je vois de mieux en mieux la forme humaine

Comme un dialogue d'amoureux
                    -Eluard-

 

Plus qu’aucun autre, ce film entraîne en l’amour ses spectateurs, les
entraîne jusqu’à cette fanfare du tonnerre dont je vous dirai
quelques mots. On en sort changé, triste, heureux, thoughtful,
inquiet, libéré, amoureux, solitaire, c’est la nuit car le film pour les grands
est projeté plutôt tard : embrassons la nuit qui nous brasse, à la sortie
du ciném’art. L’après qui se lit après dans les yeux, n’a pas besoin de paroles,
tout ce monde sort un peu en apesanteur. On en sort grandi. Grandissant ?
Et ces silhouettes dans la ville : iront-elles vraiment dormir ?
            Tendre est la nuit. Tendre vers la nuit.

 

Poids des mots. J’aimerais tellement dans ce texte ne pas
m’appesantir et juste arriver à dire. Mais comment faire
l’éloge de l’amour sans mièvrerie ? Nous sommes aux corps.
Voici les écorces : allez plus loin c’est prendre le risque
de bafouer l’être. De violer, d’humilier.
Et face à l’autre que faire d’autre sinon voiler sa propre intimité.

 

        Que peut-on offrir d’autre… que sa propre nudité ?

Nos pudeurs, futiles, et les corps, nus. Dans ce film on voit
des hommes et des femmes nus. A poil, on voit leurs cheveux,
leurs peaux, leurs poils, on entend leur voix, on ne nous cache
ni leur geste ni leurs sexes. Mais tout est si ambivalent : qui est aimant ?
Et quel amant…
On dit foutre à poil, déshabiller, écorcer, écorcher vif. Mettre notre
peau et nos nerfs à vif : la question, l’autre (nous met à).
Et notre corps est parfois cet autre, dont les cicatrices racontent une
histoire étrangère à notre esprit, il est notre pesanteur, notre paresse,
notre paralysie. Notre rage, notre tendresse, notre bonheur.

 

                   Rien n’est moins faux : rien n’est moins beau.

John Cameron Mitchell, extraordinairement, nous met en
confiance, on rentre en confidence : le film s’est développé
sur des années de liens tissés. Une caméra sans fausse morale
dans un nouveau Décameron  fait de nous des voyeurs d’un
genre bien particulier. Voir, c’est déjà participer, susurre
la maîtresse du Shortbus. Mais que font-ils, au juste,
et que voyons-nous ? Partager l’intimité d’êtres non plus
chimériques mais de chair et de son : on apprend à ne plus juger, pour voir, enfin.

 

Ça a l’air facile et pourtant dieu sait qu’ils ont la peau dure
les préjugés concernant le sexe et  sexes et corps, toutes
formes que prend la sève : les regards des gens se détournent
dans le métro quand deux hommes ou quand deux femmes
s’embrassent. Au fond d’eux-mêmes, bien des gens trouvent
ça dégueulasse car enfin l’homosexualité et ils ne peuvent lier
l’idée des hommes s’enculant bien à fond à l’amour qu’eux-même
peuvent porter, deux moustaches qui se froissent, deux femmes
qui se fondent. Tant d’hétéros font mal l’amour et font au fond
semblant d’amour et font au fond mal en amour, mal à l’amour.
On me dira tout ce qu’on voudra, on traite encore les gens de pédé,
d’enculé, de salope, de p’tit pédé, de gouine : ils viennent vite à la
bouche les mots, et qui sait ce qu’on en pense.

 

            Au fond, pas du bien : que de cons, contraires au con.

 

Et pourtant dans la rue, hier, aujourd’hui, les amoureux sont
les seuls
… Il ne marcheront peut être pas toujours main dans
la main but for now they do. Qui ne  dira, voyant deux amoureux
main dans la main dans la rue, qu’ils ne sont pas toute la beauté du monde,
qu’ils sont invincibles et qu’ils sont victorieux ? Et pourtant on est jaloux
de son sexe et du sexe des autres, je les entends bien : le racisme ne s’est
jamais laissé attendrir devant un couple d’amoureux, on cassera la gueule
à celui-là parce qu’il est noir et qu’il fait l’amour la nuit avec une blanche.
Et ce blanc-ci ne sera jamais le bienvenu dans la famille de celle-là. Et quoi ?
Ils prétendraient faire l’amour ensemble, mélanger leurs salives et leurs odeurs ?
Le racisme a plus peur de cette fusion de deux corps indistincts, aimants,
color-blind sous les couette que de tout autre chose. Qu’on se le dise,
halte au cœur, étranger
. On déteste la mère qui s’est remariée, et l’homme
dans son lit : on déteste le père qui couche avec son étrangère.
Et cette fille, ce garçon qu’on a aimé et ceux qui passent par son lit !
Celui qui prétendrait au cœur de notre soeur. On est jaloux, intolérant.
Et le sexe rend fou ? Que penser du mariage, longtemps viol
conjugal immémorial, de l’hypocrisie, de la violence ?

 

Rimbaud avait raison : l’amour est à réinventer.

 

L’intolérance face à l’amour : le combat serait-il aussi simple ? Des
religions de tolérance, je rigole doucement… mais merdre, le beau
mot d’ordre que voilà : embrassez qui vous voudrez. 
            L’amour en partage, sans rage, et Prévert qui savait disait :

 

Pour toi mon amour
Je suis allé au marché aux oiseaux

Et j'ai acheté des oiseaux
Pour toi

Mon amour

Je suis allé au marché aux fleurs

Et j'ai acheté des fleurs

Pour toi

Mon amour

Je suis allé au marché à la ferraille

Et j'ai acheté des chaînes

De lourdes chaînes

Pour toi

Mon amour

Et je suis allé au marché aux esclaves

Et je t'ai cherchée

Mais je ne t'ai pas trouvée

Mon amour

 

        Est-ce dire une peccadille que d’écrire qu’un tel film

 

pulvérise l’intolérance en matière de sexualité ? Peut-on
le condamner sérieusement cet homme qui se fellationne
lui-même, est-il répréhensible, ridicule ou même dégueulasse ?
Peut-on imaginer faire l’amour en chantant The Star-Spangled
Banner
dans le cul de son copain ? Les mots jouent ici contre les images.
Ils parlent avec gêne de ces choses-là, et les images sont pleines
d’une magie particulièrement indicible : cet homme qui se renvoie
à lui même, onanisme yoga ? Peut-être parce qu’on ne peut comprendre
une chose tant qu’on ne l’a pas touché avec sa propre langue, et les amoureux
le savent bien : la langue est le sexe universel.
Prière d’insérer ici la langue vivante, la langue étrangère… légère.

 

            Cet homme qui se suce lui-même, est-ce pour se toucher, dernier
geste d’existence face à sa propre caméra, épreuve à tenir, épreuve
à laisser avant de se suicider ?  Peut-être parce que personne ne peut
véritablement le toucher. Peut-on se donner l’amour ? On dit que
la masturbation ne va nulle part, intellectuellement parlant !
N’est-ce pas plutôt le mystère de quelque étrange maturation,
exploration ? Misère… maculation… Le film s’ouvre sur cet
homme clôt sur lui-même, qui va se dérouler en se levant et se
dérouler sur la pellicule, il est le deuxième protagoniste. Nous
l’observons, nous ne sommes pas les seuls. Un voyeur se fait un
film du bonheur supposé de cet homme-là, et se fait sûrement un
grand mystère de son yoga. Supposer le bonheur de l’autre, put-on
jamais faire autrement
?  Cet homme a sucé des bites pour de l’argent,
tente-t-il de se réhabiliter à l’amour ? Cet homme, sa bite, cela sonne
mal, pas très digne. Disons, cet homme et son vit : c’est-à-dire sa vie,
sa vitesse, son ivresse. Ce qui le fait ou bander ou bandant. Tendu
en avant comme une explosion de désir, et notre nous dichotomique : 
il y a nous, et notre sexe… Foutaises ? Foutre à la fraise ! Les hommes
de la salle, très mal à l’aise avec le sperme de ce monsieur, n’ont sans
doute pas goûté le leur, qu’ils imposeront à leur devotchka, à leur monde.
Suis-je fou d’y percevoir une métaphore ?
Parvenir. Son orgasme aura à voir avec la mort, la connaissance.
Symbolique importune ? Je ne puis croire que l’amour physique
soit vide de sens, Cocteau m’en soit garant :

 

Ce corps qui nous contient
Ne connaît pas les nôtres
Qui nous habite est habité
Et ces corps les uns dans les autres
Sont le corps de l’éternité.

 

            Le caisson de privation sensorielle : le dernier des lieux
pour se sentir, primitivement. Best place to smoke. La
musique flotte dans un sac plastique que l’on retrouvera

 

autour d’une tête enfiévrée. La mer, la marée, la piscine et
le caisson : tous ces corps flottent, je ne vois pas une meilleure
image de notre vie intérieure. Tout ce qui, en nous, reflue, afflue.
La femme liée à ce lieu a pour métier d’être sadique à la demi-heure.
Et l’Asiat’ qu’elle cherche pour amie est confrontée au quotidien à
l’incompréhension au sein du couple. Comment na pas sourire
devant les séances de je-médite-face-de-toi-pour-vider-les-tensions-inhérentes ?
            Des corps déréglé : désaccordés, comme un piano, à cause de l’humidité,
des mauvais traitements, ou simplement du vide.
Corps adulte, cherche à être à l’unisson.
Mais comment se régler ?
Et sur quel son ? Si les règles, et la religion qui s’en mêle : sexe sale,
impur, salaud. Toutes les positions du Kama-Sutra : simple poudre
aux yeux sans cette tendresse qui pousse deux amants, à se toucher,
à se regarder doucement, à se lécher sans se soucier
du sang des règles au goût bleuté.

 

Un  langage cru vaut mieux que des corps cuits.

            Ce diapason, dans le film, c’est le Shortbus.
Club où quoi ? Qui se collent les uns contre les autres, en toute
liberté. Un lieu d’ébats ? Un point départ : « very much like the sixties,
but with less hope ». A la sortie du cinéma, débat, s’il existe
un tel endroit sur terre. Shortbus est Thélème telle que
je l’aime, l’utopie. Aujourd’hui le sida guette les amoureux
un peu fous, inconscients du danger, amours empoisonnés par la mort.
Bien sûr, nous ne sommes pas comme emprisonnés, mais depuis
les sixties nous sommes appelés à jouir dans une autre dimension.

 

Le Shortbus est la salle des corps, la salle des mots, la salle des
chattes, la musique omniprésente. Bénie soit une fois notre
époque moderne : jadis à moins d’une orgie à la romaine,
on ne pouvait avoir et la musique et l’amour.

 

La musique fait-elle l’amour aux gens qui l’aiment ?

 

Et la salle des corps, ce spectacle entr’aperçu, la seule belle orgie.
L’or gît : sans cupidité, tous se livrent et se donnent. En la réalité,
il y a toujours des gredins, des gourdins, la violence et le sexe sur
(télé)commande. La salle des corps, c’est le rêve d’une sexualité
libérée, ce qu’on appelait l’amour libre. Soyons déjà capable
d’aimer librement. Il est deux anges nus aux corps recouverts de
tatouages : c’est sur les yeux de celle-là que l’asiat’ lit l’orgasme fou.
C’est en leurs corps recouverts de musique qu’un couple s’offre à
nous faisant littéralement l’amour. Par quel miracle… la caméra sort
de l’obscurité le don de merci, le don de chair, ce don si cher. Ce qu’il
faut, d’être, d’amour, de vie pour se donner à l’autre, ce qu’il faut de geste
et d’amour pour le recevoir, ce qu’il faut de force et de désir pour le
prendre jusqu’au fond, jusqu’à la dernière goutte. Émettre, pulser, saisir,
sentir, épouser, ralentir, se mettre, être, lisser, s’immiscer, faire plaisir
(pas pour lui faire plaisir, mais bien plus : faire exister le plaisir,
virtualité douée de corps). A l’écran, quelques instants…
Leurs corps tatoués, plus vierges désormais : ornés sublimés.
Leur corps dessins mouvants à écouter, à déchiffrer. Ils lui font signe. Nous…

 

La chair est faste, et lisse ! Nous lirons tous les livres…

Ah, les yeux de la belle tatouée ! Et le maître d’œuvre du
Shortbus a cette phrase étrange : « I used to want to change
the world. Now I just want to leave the room with a little
dignity ».
L’œuf vaginal et sa télécommande. On rit beaucoup
dans ce film, parfois par complicité.  La technologie y tient
un place incongrue, troublante. L’appareil photo du voisin
qui d’espion devient ange salvateur, bardé de technologismes,
gravant en spirale sur le visage du rescapé ses coordonnées virtuelles,
mais surtout la caméra de ce dernier. Les personnages de Shortbus,
se mettent en scène et lui se met en film, testamentaire. Mise en abyme
que le film sublime en ouverture sur la vie. L’œil qui voit, et l’écran qui
montre : ce qu’on peut livrer de soi, de son intimité. Nos mémoires virtuelles :
sur l’écran de l’Apple on peut fouiller l’intime de l’autre pour trouver quelque
chose, sans savoir quoi, et sans savoir qu’au fond il vous est véritablement
destiné
. Ce film qui montre tout sans honte, montre aussi qu’il faut monter
et démonter les images. Au suicide, l’être ne laisse plus derrière lui que
des images qui sont déjà des souvenirs. Ce cheminement dans l’eau, dans
la transparence de l’air en sac, questionne tout ce qui nous étouffe. Faire
attention à ne pas étouffer l’autre de notre amour. Bourré de médocs, ce
personnages décide la noyade dans l’inconscience. De l’amour ou de la
science, qui le sauve ? L’homme inattendu, celui du dehors du cercle, et
ces quatre hommes réunis à la fin qui représentent à eux seuls toutes les
modulations du dilemme amoureux. Cosmogonie des corps. Quel feu
d’artifice, un feu sans artifice. L’orgasme vers lequel tendait le film
survient comme une marée qui emporte tout, sur un banc dans une mer
au-delà du décors : place du rêve et du ravissement. New York enserre le film,
New York ballotté à vol d’oiseau voyeur de fenêtre en fenêtre, pourvoyeur
à toute allure du voir, aller voir ce qui se passe ailleurs dans le cœur de la vie :
New York éteint toutes ses lumières à l’unisson du spasme à fond, parce que
cet orgasme est une métaphore : cette panne, c’est une défaillance totale,
d’une ville qui défaille et se pâme. Comme le film bourgeonne à ce moment :
dans la jouvence absolue qui suit l’orgasme, on ne peut rallumer les lumières
que bougie par bougie, dans l’obscurité de nos pensées le monde revient.
Revenir à soi, étincelle par détiens celle mais nous n’en revenons pas.
La musique reprend tout doucement au Shortbus.

Ce vers quoi converge le film : cette fanfare qui déboule. Cette fin qui rend
à notre faim la vie, qui pousse à emplir tout vide.
A crier, et ici à écrire : l’orchestre qui débarque couronne tous les concerts du Shortbus,
guitaristes et trapézistes confondus, à l’unisson

 

« When you're taking your last breath,
then you'll realize your demon is your best friend ...

 

Everybody gets it in the end. ».
Tourbillon, on ne sait qui se perd. A New York dansent ces gens si sincères,
sous le regard rêveur d’une immense femme de pierre, vert malachite
ou fée verte, c’est la géante de Baudelaire.

 

En cette spirale, les deux figures de l’amour
     enlacent l’asiat’ ensemble,
        et l’acceptent en leur sein, sur ses seins.

 

Comment appelle-t-on ça ? La plénitude.

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Commentaires
L
... whaouw...
N
merci daniel, c'est juste fou que tu lises tout cela depuis l'Inde !
D
Merci, Noam. Ce texte est un chef d'oeuvre acheve. Tout ton art y est mis au service du message que tu cherches a faire passer.<br /> <br /> Dire que ca me touche serait tres en dessous de la realite...<br /> <br /> Bravo donc !
M
Voilà qui me rappelle un sms du mois de février auquel je n'avais rien compris ... Je comprends mieux maintenant. <br /> <br /> "La musique fait-elle l’amour aux gens qui l’aiment ?"<br /> <br /> si tu savais ... ^^
N
Chère Céline, Anatomie de l'Enfer, c'est encore une autre histoire...<br /> nous l'écrirons !
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